Une belle histoire de contrôle de gestion en temps partagé, Cimel : la PME qui murmure à l’oreille de la NASA
David Bibard, expert en contrôle de gestion à temps partagé fête dix ans de collaboration avec cette entreprise fleuron de l’excellence française. Au cœur de l’innovation, la PME conçoit et produit des instruments de mesure de la qualité de l’air
Cimel, avec une lettre « M » logé en plein milieu du ciel… Paris centre ville, non loin de la Bastille et aux abords du Père Lachaise. Difficile d’imaginer que dans cet immeuble d’entreprises d’apparence standard se cachent les bureaux et les ateliers d’une PME de niche, dont le savoir faire constitue l’un des piliers du domaine de la recherche scientifique environnementale, et ce à l’échelle internationale. Avec 50 ans d’expérience, Cimel électronique est un des leaders de l’ingénierie d’instruments de mesure de la qualité de l’air.
Interview de Didier Crozel, directeur général de Cimel électronique
Essentiel Gestion : Mesurer les poussières dans le ciel, ça n’est pas commun… Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre cœur d’activité et qui sont vos clients ?
Didier Crozel : Nous produisons des instruments scientifiques pour mesurer la qualité de l‘air en altitude. Nous travaillons essentiellement pour le secteur de la recherche, notamment météorologique. Notre client de référence est la NASA mais aussi pour les services météo comme Météo France, parfois des aéroports ou encore au profit de beaucoup d’universités et d’instituts de recherche. Nos mandataires étudient l’atmosphère, les changements climatiques.
E.G : Par quels procédés ?
D.C : Nous utilisons la télédétection. Dans notre cas, il s’agit de permettre à des scientifiques de surveiller l’atmosphère et la qualité de l’air à 30 km d’altitude. Nous leur fournissons des outils qui permettent de mesurer la lumière des objets étudiés (en l’occurrence les particules dans l’atmosphère), puis d’exploiter les données récoltées.
E.G : Qu’est-ce qu’un photomètre ou un micro-lidar par exemple ?
D.C : Notre instrument leader est le photomètre solaire. Il mesure la lumière du soleil à partir du sol. Lorsque les rayons rencontrent un aérosol (c’est le nom scientifique des poussières) situé dans la troposphère (la basse couche de l’atmosphère terrestre), une partie de la lumière est perdue, diffusée. Le photomètre solaire identifie les caractéristiques de la collision et permet par là de définir la densité, la taille et la forme des poussières et d’en déduire l’événement qui a provoqué la formation de ces poussières : feux de forets, volcans, déserts, pollution…
Le lidar quant à lui, fonctionne comme un rayon laser tel que ceux utilisés pour mesurer les dimensions d’une pièce, sauf qu’en l’occurrence, la distance à appréhender est à l’échelle de l’atmosphère. Et lorsque le point rouge heurte une toute petite poussière, la lumière se diffuse en tous sens et le lidar ne « voit » qu’une trace infime du rayon envoyé. Le Lidar permet d’identifier si le choc a eu lieu à 10, 15 km et quelle était la densité du phénomène.
Les deux instruments combinés nous disent de quoi est composée la poussière et à quelle distance elle se trouve. Ces informations permettent de comprendre les déplacements de particules fines, de prévoir la qualité de l’air et de prendre le cas échéant des mesures de précaution.
E.G : Quel est l’objectif de ces études, s’agit-il d’éradiquer ces poussières ?
D.C : Non, car elles constituent finalement un filtre protecteur en faisant un effet parasol au contraire de l’effet de serre. 90 % des poussières sont d’origine naturelle, elles proviennent de soulèvements au sol par le vent. Nous ne pouvons pas y faire grand-chose, mais nous avons besoin de les connaître pour prévoir le changement climatique. Dans les villes en revanche, elles peuvent être en grande partie liées à la pollution. On peut donc vouloir les étudier pour améliorer la qualité de l’air en milieu urbain, mais l’autre raison de ces observations est qu’elles perturbent toutes les images prises par les satellites, pour d’analyses de la géologie, de l’agriculture, de l’océan par exemple. Des calculs très compliqués sont opérés principalement par la NASA 24h sur 24 et dans la foulée par tous les organismes spatiaux du monde pour corriger leurs images satellite. Notre expérience nous permet d’être à la pointe de la technologie et les usages de nos instruments se diversifient de plus en plus, à la faveur de la prise de conscience du changement climatique.
E.G : Revenons sur le fonctionnement de l’entreprise. Les forces vives de Cimel sont donc sans doute composées par une majorité d’ingénieurs ?
D.C : En effet, pour plus de la moitié sur une trentaine de collaborateurs que compte l’entreprise, et nous avons aussi des techniciens, des scientifiques, des commerciaux spécialisés.
E.G : Où se trouvent vos entrepôts ?
D.C : Appelons cela des ateliers de fabrication…Ils sont dans nos locaux rue de Charonne, avec le reste de l’équipe, dans le 11ème arrondissement, avec 7,8 personnes à la production. Le maintien de nos locaux en plein cœur de la capitale est le fruit de la politique de la ville de Paris.
E.G : Dans un contexte de développement qui fait écho à votre savoir faire, est-ce là la raison du recours au temps partagé pour vous permettre d’investir totalement la particularité de vos métiers et gérer dans la flexibilité l’appui des fonctions supports ?
D.G : Tout-à-fait. L’Administratif avait besoin d’être renforcé. Lorsque nous avons commencé avec David il y a dix ans, nous étions 18. À l’époque j’assurais le poste de DAF/DRH en lien avec un cabinet d’experts comptables. Il est venu me soutenir au contrôle de gestion.
E.G : Quels étaient les contours de la mission confiée à David Bibard et à quelle fréquence l’avez-vous sollicité ?
D.C : Au début, il s’agissait d’intervenir 3, 4 jours par mois puis avec le temps et la mise en place des outils de pilotage nous sommes passés à 2 jours mensuels.
David a opéré la tenue à jour des prévisions de trésorerie qui requièrent un suivi important. Sachant que les cycles de fabrication sont longs, notre business nous permet d’obtenir une visibilité sur à peu près 6 mois. C’est un peu compliqué car il ne s’agit ni de main d’œuvre ni de prestations de services : il s’agit de production d’instruments qui valent plusieurs dizaines de milliers d’euros ! Dans la foulée, David nous a épaulé sur le suivi des stocks et donc les inventaires. Il a également procédé aux reportings sur le volet commercial ainsi que production.
E.G : Quels sont, selon vous, les bénéfices du travail à temps partagé ?
D.C : C’est avant tout une collaboration sur mesure, flexible, avec des séquences plus intenses, soit qu’il s’agisse de dresser le bilan de fin d’année ou d’assurer des missions ponctuelles comme des demandes de financement en lien avec des projets particuliers … Un autre point important est de pouvoir accéder à un spectre de discussion élargi grâce à un regard extérieur, un certain recul qui permet, tel un alter ego de se poser des questions de stratégie en dehors du cadre du salariat, dans une approche et un esprit d’entrepreneurs animés par la réussite d’un projet.
Dans le même temps, l’implication récurrente de David Bibard au sein d’autres groupes ou PME, m’a apporté un réseau élargi (consultants, entreprises), faisant face aux mêmes problématiques que nous en fonction de l’actualité. J’ai apprécié cet échange de confiance, avec quelqu’un qui a un œil extérieur à l’entreprise mais qui pour autant la connaît bien.
David Bibard : Cette expérience m’a conforté dans le choix du temps partagé puisque Cimel compte parmi mes clients historiques.
« Travailler pour un site de production français à rayonnement international en plein cœur de Paris, c’est quand même impressionnant… »
Il y avait un besoin urgent et récurrent s’agissant de la trésorerie. C’est un sujet tendu, de tous les jours, de tous les mois et le dirigeant doit pouvoir se projeter avec l ‘enjeu de créer la confiance de sorte qu’il puisse « se vider la tête » sur cette préoccupation. Vis-à-vis des équipes aussi, il était important que je m’intègre assez rapidement pour manifester mon soutien au sein de l’entreprise et des collaborateurs. Cette démarche est nécessaire pour le bien-être de tous, mais aussi pour la récolte d’information. Passée cette phase la mission évolue car elle présente moins d’urgence. La partie technique constitue le point d’entrée, puis c’est le recul ensuite qui prolonge les axes de la mission. Le partage d’expérience au regard de mes autres missions à temps partagé, de mon réseau a ouvert d’autres horizons. C’est à la fois un atout et un plaisir dans l’échange.