L’externalisation du contrôle de gestion (2)

Une explication du contrôle de gestion externalisé par les fondements théoriques de la discipline

Expliquer le contrôle de gestion externalisé par les fondements théoriques de la discipline fera l’objet de ce second article. Le premier article avait permis de se focaliser sur les raisons qui permettent à l’entreprise d’externaliser une fonction. Les caractéristiques fondatrices du contrôle de gestion encouragent également son externalisation. Généralement, la décision d’externaliser le contrôle de gestion se prend avant même que le contrôle de gestion existe de manière formelle, dans le contexte des PME. De plus, l’évolution du contrôle de gestion est un facteur bien loin d’être innocent dans la prise de conscience de la possibilité de l’externaliser.

Lors des phases de création et de croissance de l’entreprise, la formalisation du contrôle de gestion se renforce via le besoin d’identifier les informations les plus pertinentes. On observe que les phases de croissance et de maturité sont celles où le contrôle de gestion a plus de légitimité et a plus sa place auprès des dirigeants. De ce fait, la question d’externaliser le contrôle de gestion émerge naturellement durant ces phases. Un lien étroit existe donc entre la croissance de la PME et l’apparition du contrôle de gestion.

Une approche par les contributions du contrôle de gestion

Le développement du contrôle de gestion dans les PME n’est pas une unique et suffisante approche permettant de cerner ce besoin d’externalisation. Une approche par les contributions du contrôle de gestion et son évolution est nécessaire pour comprendre si elles favorisent le développement du contrôle de gestion externalisé.

En évoluant, le contrôle de gestion a vu sa logique miroiter de la vérification au pilotage. Les contrôleurs de gestion sont devenus plus autonomes au fil du temps et cela s’est accompagné d’une évolution des mœurs ayant permis cette émancipation. La plupart des prestataires externalisant le contrôle de gestion sont indépendants et souhaitent s’affranchir du salariat. Ce besoin d’autonomie s’est libéré et accentué grâce à une fonction contrôle de gestion devenue force de propositions. Elle ne possède plus l’image vérificatrice d’un métier qui sanctionne comme on lui conférait par le passé.

L’externalisation croissante des fonctions non stratégiques signifie implicitement la conservation au cœur de l’entreprise des activités stratégiques, ce qui requiert en termes de contrôle une attention accrue. Le contrôle de gestion doit ainsi se focaliser sur les fonctions qui survivent dans le giron de l’entreprise : la recherche et développement (R&D) ou le marketing par exemple. C’est en cela que nous avons pu voir se développer au cours des dernières années un contrôle de gestion spécifique, orienté vers une fonction dédiée.

Externaliser son contrôle de gestion permet à l’entreprise de s’offrir le choix de différents prestataires dans un réseau de contrôleurs de gestion externe, et celui qui aura le plus d’affinité en termes de connaissances et d’expérience avec la future mission sera sélectionné. Sans cette spécialisation du contrôle de gestion, l’entreprise n’aurait alors pas forcément perçu la valeur ajoutée qu’aurait pu lui apporter un contrôleur de gestion externe.

Une évolution récente du rôle de contrôleur de gestion

Le rôle du contrôleur de gestion en tant qu’aide à la décision est bien plus prégnant à partir des années 2000 et cela entre en congruence avec l’apparition de l’externalisation du contrôle de gestion.

Diverses études menées par le CIMA (the Chartered Institute of Management Accountants) ont montré que l’autorité du contrôleur de gestion s’est renforcée ces dernières années, et cela s’est traduit par la réalisation de nouvelles taches par le contrôleur de gestion : la planification stratégique et la prise de décisions.

Sans cette échappée du contrôle de gestion vers des fonctions plus stratégiques, l’externalisation du contrôle de gestion n’aurait peut-être jamais existé :

  • Du point de vue du prestataire qui n’y aurait vu aucun intérêt,
  • Du point de vue du dirigeant qui recherche un bras droit pour soutenir ses décisions.

Il est souvent prédit par de nombreuses études que la vie du contrôleur de gestion en tant qu’aide à la décision s’imposera dans un avenir proche. Les faits sont très peu propices à le démontrer puisque cette volonté ne reste qu’une ambition. C’est en cela qu’en grande entreprise, l’externalisation du contrôle de gestion n’est pas une question qui a vocation à être posée en ce moment. Cette logique de data-crunching ne concerne pas pour le moment les PME et dans ce contexte, le contrôle de gestion n’est pas menacé et conserve ce côté business partnering qui captive les prestataires.

Les écueils de l’externalisation du contrôle de gestion

Toutefois, des limites conceptuelles ayant trait directement au contrôle de gestion viennent refréner son externalisation. Le contrôle de gestion externalisé est donc ouvert à diverses menaces venant étriquer sa légitimité́ si l’acteur ayant sa charge limite ses travaux aux missions traditionnelles et ne s’imprègne pas de son véritable rôle de conseiller.

Outre leurs missions traditionnelles qui consistent à réaliser les comptes annuels et les liasses fiscales de leurs clients, les experts-comptables proposent désormais du conseil en gestion en élaborant des tableaux de bord ou des budgets par exemple. Un problème d’indépendance évident se pose alors et vient remettre en cause les fondamentaux du contrôle de gestion. Le contrôleur de gestion ayant accès à la stratégie de l’organisation et ayant pour rôle de contribuer à sa bonne mise en œuvre, le fait qu’il tienne en parallèle les comptes de l’entreprise peut l’inciter à les modifier en sa faveur pour atteindre la performance souhaitée par la direction.

Même si les théories de l’externalisation nous suggèrent que ce qui demeure stratégique doit rester dans le giron de l’organisation, les perspectives apportées par le contrôle de gestion permettent d’outrepasser cette règle. En effet, le contrôle de gestion externalisé en PME n’est possible que grâce à la dimension stratégique qui donne force et légitimité au prestataire.

Le prochain article présentera une approche empirique de l’externalisation du contrôle de gestion via divers cas pratiques, ce qui nous permettra de délimiter le périmètre de l’externalisation du contrôle de gestion.

L’externalisation du contrôle de gestion (1) : « L’externalisation, une revue de la littérature adaptée au contrôle de gestion »

Charlotte DEBOFFLE

Diplômée de l’Université Paris-Dauphine, du master contrôle, gouvernance et stratégies, j’ai réalisé mon mémoire de fin d’études sur l’externalisation du contrôle de gestion.

Je souhaite partager les connaissances acquises et espère vous procurer la même curiosité, sinon plus, qui a animé mon envie de soulever les tréfonds d’un sujet aussi atypique. L’objectif de ce mémoire fut de définir le périmètre de cette pratique émergente pour comprendre les freins venant bloquer l’externalisation du contrôle de gestion en grande entreprise et ceux qui ont été déverrouillés en PME grâce à la volonté des prestataires d’étendre leur réseau. Vous trouverez ainsi divers articles qui s’appuieront sur ce mémoire et qui seront publiés progressivement sur ce blog. Ces derniers suivront la volonté suivante : faire un état des lieux des pratiques et en décerner les limites pour mieux entrapercevoir l’avenir de ce modèle.

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